Sur la base aérienne 107, à la découverte des outils de lutte anti-drones

L’armée de l’air accueillait ce vendredi matin une « démonstration combinée de projets de lutte anti-drones », organisée par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et l’agence nationale de la recherche. Trois solutions ont été présentées.C’est sur la base aérienne 107 Villacoublay, au sud-ouest de Paris, entre l’Essonne et les Yvelines, que nous avions rendez-vous ce vendredi matin pour un évènement très particulier. C’est en effet ce jour que secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et l’agence nationale de la recherche ont organisé une « démonstration combinée de projets de lutte anti-drones ».
Il faut dire que l’actualité s’y prête bien. Depuis l’automne 2014, la presse se fait l’écho régulier d’incidents à proximité de sites sensibles. Des drones ont en effet été repérés en train de survoler des centrales nucléaires, des ambassades et des lieux de pouvoir, de l’Élysée à l’Assemblée nationale. Si ces incidents tendent aujourd’hui à se raréfier, il est hors de question pour l’État de rester les bras ballants.
Quelques drones présentés sur un stand. La neutralisation de la caméra embarquée sur un drone est aussi un enjeu.
Aussi a-t-il été décidé de lancer, dès le début du mois de novembre 2014, des travaux interministériels pour réfléchir aux moyens permettant de détecter, d’identifier et, en dernier recours, de neutraliser tout appareil aérien sans pilote, téléguidé ou autonome, s’approchant d’un peu trop près d’une zone interdite. Car si ces survols ont été sans grande conséquence jusqu’à présent, cela changera peut-être à l’avenir.
Au terme d’une séquence longue de deux ans, lors de laquelle la sélection des projets les plus prometteurs a eu lieu ainsi que l’adaptation de la législation française avec le vote de la loi relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils, ce sont donc trois programmes qui ont été finalement retenus : ANGELAS, BOREADES et SPID. Trois programmes qui impliquent en réalité une vingtaine d’industriels.
C’est donc sur ce terrain militaire de l’armée de l’air vaste de 320 hectares, qui accueille d’ordinaire l’escadron de transport chargé d’assurer les déplacements du gouvernement, que les trois consortiums ont été invités à présenter devant la défense, les industriels et la presse leurs solutions qui seront vraisemblablement déployées à terme pour protéger les sites sensibles de toute intrusion aérienne.
En tête des trois consortiums comme du SGDSN : que les pistes retenues puissent agir sur quatre scénarios précis : protéger un site sensible mais isolé, sécuriser un évènement ponctuel dans un environnement semi-urbain (comme une compétition sportive), assurer le dégagement de l’espace aérien autour des aéroports et intervenir dans un environnement urbain pour protéger un évènement VIP.
Le temps était clément pour la démonstration. Le brouillage est activé. L’usager ne contrôle plus le drone avec son smartphone.
Une démonstration qui a bénéficié — chance pour les entreprises embarquées dans l’aventure — de conditions météorologiques optimales. S’il y avait bien des nuages épars dans le ciel ainsi que des coups de vent sporadiques pouvant contrarier la maniabilité des drones faisant office de cibles, rien n’est venu gâcher la séquence ; chacun a pu dérouler sa technologie et montrer de quelle façon il neutralise un drone.
Il reste à voir de quelle façon s’effectuent les contre-mesures dans des conditions plus dégradées, par exemple de nuit avec un drone qui ne reste pas en place. Car si les trois consortiums ont présenté des technologies fonctionnelles — les drones ont été à chaque fois forcés à atterrir –, celles-ci ont été mises en œuvre à très courte portée (quelques dizaines de mètres) face à une cible relativement statique.
Les trois consortiums affirment néanmoins que leur projet sont capables de se mettre en action même dans des situations plus compliquées, notamment en pleine nuit ou s’il y a du brouillard. Ils peuvent aussi déployer des technologies capables de détecter des drones sur plusieurs kilomètres. Certains prototypes peuvent même les repérer sur des distances de dix voire quinze kilomètres.
Le système optronique jour-nuit de Boreades pour de la courte et longue portée. Angelas utilise notamment des radars passifs pour séparer les objets avec des parties mobiles (rotors) de la scène.
Le démonstrateur qui a ouvert le bal est ANGELAS. Acronyme d’Analyse Globale et Évaluation des technologies et méthodes pour la Lutte Anti UAS, il s’agit d’un projet coordonné par l’office national d’études et de recherches aérospatiales (Onéra) qui fournit une détection de drones aériens par corrélation multi-capteurs, une identification à plusieurs kilomètres et une neutralisation par des technologies de brouillage et de laser.
Arrive ensuite BOREADES. Cordonné par la société CS, le projet comprend cinq objectifs : la détection radar et optronique panoramique jour et nuit, l’identification optronique, la neutralisation de la télécommande de l’opérateur du drone, la neutralisation du géo-positionnement et la localisation de l’opérateur.
Enfin, SPID. Signifiant Système de Protection Intégré anti Drones, le projet est piloté par la firme Roboost / Byblos Group. Sa solution consiste à détecter et neutraliser des drones au moyen d’un système multi-senseurs, modulaire, autonome, déployable et mobile. Surtout, contrairement à ses deux concurrents, il mise sur la détection acoustique pour repérer les drones en vol, avec le bruit qu’ils produisent.
Une console de contrôle pour le système Boreades. Un brouilleur portatif capable de détecter à 500 mètres et de brouiller le signal à 300 mètres.
Ces trois démonstrateurs ont été choisis parmi les 24 candidats qui avaient répondu à l’appel à projet lancé conjointement par l’agence nationale de la recherche et le secrétariat générale de la défense et de la sécurité nationale, le 18 décembre 2014. Le souci était alors d’aller vite. Dans le cadre d’un programme « flash », l’ANR a pu accélérer ses procédures pour retenir les trois lauréats en à peine trois mois, au lieu d’un an.
« Il s’agit de fournir une réponse rapide à des défis sociétaux majeurs », explique Yves Fort, le directeur de l’agence nationale de recherche. Une réponse rapide, car il y a aujourd’hui en France près de 400 000 drones en circulation, mais, l’assure-t-il, qui ne s’est pas faite en affaiblissant les critères de sélection. Et pour financer tout ça, un budget de 1,5 million d’euros a été obtenu de l’État.
C’est ainsi que le 3 avril 2015, les trois projets ont été retenus. Une phase de travaux s’est ensuite engagée le 1er juin de la même année et certaines de ses technologies ont pu être déployées de manière expérimentale pendant la compétition de l’Euro de football 2016 en France. Yves Fort l’a d’ailleurs dit au cours de la matinée : « ce sont des démonstrateurs très rapidement exploitables ».
Thalès était aussi de la partie, dans l’un des consortiums. La SNCF était présente et servait de cobaye pour les besoins de la démonstration.
La matinée a toutefois connu un léger couac. Si les trois programmes ont pu chacun faire une démonstration dynamique de la fonction de neutralisation, qui s’est avérée convaincante, du fait d’une météo favorable et de conditions de test pour le moins avantageux, la présentation concernant les fonctions de détection et d’identification s’est un peu moins bien passée pour l’un des consortiums.
Sur scène, alors que les images plusieurs écrans de contrôle étaient projetées sur scène et que le responsable du projet porté par BOREADES les commentaient, quelques difficultés sont apparues. Les drones, pourtant à environ 300 ou 400 mètres, ce qui n’est pas une distance exagérément éloignées, ont eu du mal à être accrochés avec les dispositifs mis en œuvre par le consortium.

Normalement, tout se passe bien d’habitude

Alors qu’il tente désespérément de faire fonctionner le système, il finit par lâcher, visiblement gêné : « Normalement, tout se passe bien d’habitude ».
Trop tard : l’impression mitigée qui s’est emparée de l’auditoire n’est pas prête de se dissiper. « Ce n’est pas du tout représentatif d’une situation réelle », avant de reconnaître qu’il y a un « petit problème technique ». Pour une technologie appelée à protéger des sites sensibles, cela fait mauvais genre. Cela n’a pas échappé à l’auditoire, d’où une certaine agitation était perceptible.
Reste que ce petit incident ne doit pas être surinterprété.
Les technologies qui étaient sur le devant de la scène ce vendredi 18 novembre sont encore en cours de conception et, pour certaines d’entre elles, ont encore une bonne marge de progression  Si certaines sont déjà prêtes à être industrialisées et à entrer en fonction (comme le radar actif ou la radiogoniométrie), d’autres sont encore à un stade bien plus précoce. C’est le cas de la détection acoustique ou du LIDAR 3D.
L’opérateur pilotant son drone, avant le brouillage. Le mot de la fin par le secrétaire général du SGDSN.
Ces quelques faux pas, qui ne sont pas les premiers à survenir au cours d’une présentation, n’auront été qu’une petite ombre sur un tableau que le secrétaire général du SGDSN décrit comme extrêmement positif. Il a aussi tenu à tempérer la réalité de la menace : certes, il y a nécessité de créer des technologies contre les drones, mais il y a finalement assez peu de cas et il s’agit souvent d’une erreur du pilote.
Les travaux entrepris depuis deux ans ont permis également d’affiner les types de réponse possibles que l’on peut apporter face aux drones. « Certaines technologies testées étaient trop puissantes pour être déployées dans l’espace civil », reconnaît ainsi Louis Gautier.

Certaines technologies testées étaient trop puissantes pour être déployées dans l’espace civil

Les consortiums impliqués explorent toutefois ces pistes, comme le brouillage GPS, qui ne peuvent pas être mis en œuvre à l’heure actuelle, mais qui pourraient tôt ou tard s’avérer indispensables en fonction de l’évolution du marché des drones. Dans le cas du brouillage GPS par exemple, il est impératif de limiter son effet pour éviter des « dégâts » collatéraux qui pourraient affecter des personnes situées dans les environs.
Aujourd’hui, le SGDSN, en est persuadé : « la France se place en précurseur du domaine opérationnel et technique pour contrer les usages intentionnellement malveillants de drones ». Du moins, quand les systèmes fonctionnent sans problème.

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Source: Numerama

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